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Textes : 

je vais  vous parler de ma conception de la pratique artistique.

Tout d’abord j’ai eu toujours un grand intérêt pour la peinture classique  et je ne peux oublier que ma culture est européenne,

  J’ai donc tenté une aventure personnelle dans  laquelle Il était pour moi hors de question d’abandonner la modernité . J’ai donc opté pour la relation à l’espace donné qui me paraît être l’interrogation la plus moderne à la fin du 20ème et au 21 ième  siècle.

 Je me situe dans le domaine de la représentation plastique et artistique,l’espace mental étant le domaine de la poésie, de la psychanalyse …..

J’ai affronté dans un premier temps la sculpture et j’ai commencé l’aventure en employant la couleur . De fait j’ai abordé il y a plusieurs années le difficile chemin de la relation de la peinture au volume dans l’espace loin de la tradition du tableau pour moi réductrice .

Je dois dire que cela a été très difficile d’inscrire ce travail dans le champ artistique ambiant de l’époque.Ainsi je travaille la peinture hors du champ du tableau en relation avec l’espace environnant .

Je reviens sur cette terminologie:l’ espace environnant , je l’ai trouvé dans une lettre de Brancusi écrite quelques temps avant sa mort .Cette notion moderne inventée par lui puise sa source dans son travail d’élaboration dans son atelier, où il confrontait ses oeuvres les unes avec les autres dans un souci d’organisation. 

On est loin de l’idée !  L’art ne se faisant pas avec une idée . 

C’est dans la confrontation technique que l’on théorise ,c‘est dans le faire que l’ on crée et non dans l’idée .il nous faut affronter cette méprise ambiante qui est extrêmement violente car elle est ancrée d’une manière tenace chez un certain nombre de plasticiens,

de décideurs, de critiques .

 Pour moi les grands théoriciens de l’art sont les artistes eux-mêmes qui puisent leur source d’inspiration dans l’art lui-même je parle évidemment des artistes qui bouleversent les données académiques.

La peinture est généralement reconnue au tableau : support plat (toile ,mur etc…)

d’où une certaine platitude dirons nous.Néanmoins, pour moi le travail de la peinture hors du champ du tableau m’importe. J’insiste,j’ai orienté ma production vers le volume peint d’où la difficulté de mon inscription dans le cercle recommandable des peintres ou des sculpteurs. quant aux installations :cela fait  salle de bain et c’est académique. Je me suis débarrassé de ces contingences modales pour appliquer une rigueur dans mon travail,toute relative d’ailleurs. Par ailleurs le courant  objectal qui depuis un certain temps fait florès,me paraît réducteur. Le tout dans une ambiance académisante où la sophistication devient parfois le seul effet recherché .Pour toutes ces raisons,  la notion d’espace m’est apparue comme  une orientation possible ,en tous les cas c’est ma décision depuis longtemps.Le hasard a fait que j’y ai trouvé des adeptes et non des moindres aussi bien en Europe  qu’aux Etats-Unis et sans doute dans le monde.Espace de délivrance,espace mental,espace sidéral,espace onirique,espace clinique que je prends en charge dans mon travail. je veux dire l’espace réel.

Qu’est-ce? Déjà cette interrogation introduit un doute , il est évident que ce doute est porteur de création mais comment? Cela fait sourire cette tension, il y a du désir de peindre chez moi.

Je prends du mur l’espace qui m’est imparti ;la ressemblance n’est pas de mise.Je compose donc! la mise en scène n’est pas à voir dans un sens théâtral , mais dans le dévoilement. Laissons là les termes pour l’instant et revenons sur le propos plastique.Je me souviens d’avoir commencé de petites structures à New-york en 1979; à cette époque  mes interlocuteurs n’avaient pas prêté  attention à ma démarche, j’ai donc repris ce travail avec bonheur depuis quelques années.Ainsi je coupe des tasseaux de différentes dimensions à la scie à ruban, d’une manière aléatoire en angles imprévus; en quelque sorte une écriture automatique. Je les assemble  de la manière la plus simple :le tout venant. Ensuite je les peints en couches successives de rouge,d’ ocre ,de bleu le vernis étant introduit dés la première couche: le tout tirant vers le sombre dans un désordre riche et somptueux.

La fin étant proche ,ces structures sont à cet instant à l’abandon,posées , elles sont inertes et non d’autres fonctions que la fabrication;rien n’est dit.

   J’en prends distance et commence à composer au mur, au sol, en coin, à l’intérieur, à l’extérieur, enfin ,on joue, on se surprend ,à horizontale ,à la verticale : c’est dans cet accrochage que l’oeuvre se crée. c’était un  secret ! 

Ce qui en découle  c’est l ‘interrogation  de l’espace ou mieux encore l’interrogation de la peinture sur ou dans cet espace.Du fait  du volume  la densité picturale est allégée, elle est subverti à l’espace du mur ou de la salle d’exposition, en fait du lieu.

Je m’aperçois qu’il peut y avoir débordement d’un mur à un autre, d’une salle à une autre; une juxtaposition ,une transition,une transposition.

 On peut considérer l’envers de l’endroit à l’intérieur même du processus.Les structures en elles -mêmes n’ont pas de sens; c’est au moment de les accrocher ou de les poser qu’elles trouvent leur mode,j’allais dire de vie.

Je continue : la mise en oeuvre peut-se faire à l’intérieur,espace clos, à l’extérieur,espace ouvert; déontologie du regard.

Rhéthorique du volume peint.Je revendique le mot peinture au sens classique du terme ,hors du champ du tableau.

Quand ça c’est dit mon application est de créer une nouvelle voie , un nouveau vocabulaire.J’ai découvert, que dans le » n’importe » se trouve une partie de la solution,ainsi lorsque j’assemble d’une manière absolue je découvre un univers onirique qui déplace le champ de la compréhension et surtout le champ de l’explication.Je me suis aperçu que ces petites structures font rêver et que le lecteur ou le spectateur peut aller où bon lui semble dans son interprétation:c’est bien là le but.La mise en peinture sur le bois introduit des zones de sensualité.Je reviens sur la manière de peindre:le rouge posé,rouge écarlate mélangé au vernis: première couche! mais cela aurait pu être une couche de bleu ou d’ocre jaune sur le bois fraichement poli,en plusieurs couches successives même en écrivant le texte  je mêle, j’emmêle.alors il reste que c’est au moment de l’accrochage que la décision dépend du maître d’oeuvre.Une quantité raisonnable de petites structures à portée de mains; on dispose sur le mur ou sur le sol en ligne ,en cercle, en triangle ,en tas, à volonté.

Lorsque l’on change de matériau on modifie le mode d’inscription, ainsi la charge émotionnelle du marbre n’est pas la même que celle du bois coloré.Et dans la même rubrique le marbre blanc n’a pas le même impact que le marbre noir, au niveau de la lumière. Le poids aussi intervient dans la présentation.Ceci pour donner à voir les dérives de la matière subordonnée à la vision artistique et au combat que l’on doit mener contre l’effet et sa conséquence : l’illusion, hélas!

J’essaye de me maintenir à ce niveau d’abstinence si proche de la jouissance.Que je me fasse bien comprendre je ne me laisse pas aller quand je dis que c’est dans le n’importe quoi que je crée ,dans mon esprit ,s’il y a esprit…

C’est que l’art ne se fait pas avec une idée,mais en se faisant se fait.

 A la galerie “Immanence“,ce qui apparaît à la réalité c’est le blanc immaculé ,bon on ne va pas remonter jusqu’à la conception. Je vais  revenir sur la transposition relevée un peu plus haut .

La transposition est un atout dans mon travail car elle permet de subvertir sans arrêt l’espace environnant :concept d’une modernité incroyable car tout découlera de cela dans l’application raisonnée de ce que l’on peut appeler l’art plastique en regard des oeuvres de l’imagerie , des objets et des fétichismes ambiants reconnaissables par leur modes d’approches voisins de la publicité et des techniques de communications dérisoires et vite démodées. 

Avant d’aborder la rubrique de la multiplicité je rappelle le texte  que j’ai écrit,correspondant à la “Poutre colorée “de 1973 exposée en 1974 chez Eric Fabre, fameuse galerie à l’époque!

J’ai décidé de poser la couleur rouge en stries séquentielles qui se déperdaient dans le bois naturel ,comme une pulsion,en fait ce qui m’intéressait à l’époque c’était le rapport à l’espace que j’avais intégré en regardant les constructivistes Russes et les minimalistes Américains.Je n’ai pour l’instant trouvé dans mes lectures, de théoriciens ou d’historiens de l’art qui évoquent cette découverte,on se perd toujours dans le sujet alors que c’est la plastique qui devrait être le  propos.Cette orientation méthodologique aura été le but de ma recherche jusqu’à l’heure actuelle.Ainsi je m’aperçois que les prémonitions intuitives que j’avais à l’époque se révèlent et murissent avec mes nouvelles présentations ,la dernière en date sera  l’exposition à « Immanence » à Paris en 2014.

Pour rafraichir la mémoire, c’était une poutre de 4m sectionnée en deux morceaux,l’un de 3m, l’autre de 1m.

Elle était posée au sol,elle prenait l’espace du sol comme une étendue.En tant que volume elle subvertissait la notion de verticalité ,(chère à nos sculpteurs traditionnalistes),de socle….

Mais elle introduisait la couleur ,ce qui la ramenait dans le champ de la peinture d’où la difficulté pour la critique de l’époque de la nommer et par le fait même de m’intégrer dans une quelconque catégorie,inutile de dire en passant que le chemin fut long pour la reconnaissance de ce travail qui se situe justement entre la peinture et la sculpture.

D’où la nécessité de rechercher un nouveau vocabulaire loin du tableau peint ,de la sculpture,de l’installation(toujours « salle de bain“),de la performance:catégories académiquess et déprimantes.Nous pourrions parler de volume peint dans l’espace en toute douceur et légèreté et cela dans une continuité que l’on perçoit rétrospectivement.

La MULTIPLICITE

La progression du champ plastique présenté en ce lieu,n’a qu’un rapport direct/ou indirect avec la progression de type binaire or c’est plutôt l’aspect poétique et en fait ironique qui m’anime ce soir

Le nombre de pièces placées  d’une manière aléatoire crée un imaginaire ,en l’occurence ici ,basé sur les chiffres et il est évident que je fais allusion à la dimension poétique des mathématiciens Grecs (Pythagore en particulier).Cette représentation est un « champ de présences » ,pour reprendre Husserl  .Ces structures évoquent le morcellement et ce morcellement contribue à la mise en abîme de l’espace.Ce n’est pas la mise en forme, mais la disposition des pièces qui va créer l’espace plastique,ce que l’on doit voir(le donné à voir)

 Dans les années  récentes, je persiste à dire: c’est le  faire et non l’idée qui  surgit dans la présentation de mon travail .Dans les espaces qui me sont impartis:atelier, galerie, espace privé ,musée ,je présente mes pièces par trois et ceci invite au développement de type sériel.

L’IMAGE. 

dans un souci de clarté ,je dois  me positionner par rapport à l’image .Je pense que la représentation abolit le fantasme et réduit l’imaginaire ;tout porte à croire que beaucoup d’artistes ont oeuvré pour mettre le fantasme en boite.L’image ne peut représenter le fond de l’’âme,ni même l’émotion à la limite l’expression : mais là encore on est dans le sujet , et chacun  sait qu’il n’y a pas de sujet en peinture ,l’art n’étant pas une représentation de la nature.

Il y a comme une corrélation dans la recherche de l’effet .l’effet en art crée l’illusion et l’illusion est  un mensonge. Voilà des écueils que l’on devrait éviter.

Le DESSIN.

         

           

Je peux évoquer maintenant le rôle du dessin dans ma production artistique.

Le dessin est pour moi une activité mentale par rapport à l’activité plus physique de la sculpture.

Avant tout je reprends la pensée de Tony Smith à propos de ses projets de volumes dans l’espace ; il ne concevait pas le dessin comme un but démonstratif ;il m’a dit «I don’t draw ,I do model » je ne dessine pas mes volumes en projets mais je fais des maquettes …..

Dans mon travail,Le dessin est une transposition, il est soustrait à une technique,il doit créer sa propre unité.Le repérage illusionniste du volume dans sa visualisation euclidienne,instaure un doute quant aux prétentions matérialistes d’une pratique artistique.Il ne peut y avoir que confusion dans l’esprit quand on se réfère, d’une manière suspecte ,aux techniques idéalistes traditionnelles de représentation du monde.

Mon travail en deux dimensions sur une feuille de papier est une recherche spécifique.

Ainsi considérons le travail de la sculpture qui a été  généralement conçue  pour être dans un lieu (ronde bosse) ou dans un mur(bas relief)

Mes poutres posées au sol révélaient l’espace et se révélaient (grâce ou à cause de la couleur entre autre).Ce n’était pas un travail sur le ton local mais sur le local lui-même.Il m’aurait été suspect de faire une transposition illusionniste en me servant de la perspective.

Je me suis aperçu à l’époque dans les années 70 que ma recherche était subordonnée au lieu sur lequel  j’exerçais: la feuille,ce lieu devait répondre avec ses données propres (les outils :crayon, pastels, aquarelle grammage du papier etc….)au champ d’investigation  proposé.

Et ce que l’on propose est soumis à ce  dont on dispose.La feuille de papier avec sa texture est un lieu (espace) la manière dont on l’occupe est liée à une pratique spécifique.Le frottage localise et souligne.La localisation permet l’analyse.la situation du corps par rapport à la production intervient comme soutien idéologique, fusion du geste du corps et sa retenue  dans la matière.Identité entre le travail de la couleur sur le volume et la feuille de dessin.

Analyse de la trace.

Maitrise de la jouissance .

la prise de l’espace de la feuille intervient sans le recours à la composition.

La composition est dans le travail effectué ,elle n’est pas définie par référence:il y a un déploiement du geste sur la feuille.

La lecture se fait de gauche à droite,et de bas en haut.Il y a pour moi une interaction entre le réel et le virtuel au moment de l’exécution.C’est en faisant apparaître ces contradictions que l’élaboration du travail en deux dimensions pose l’interrogation du volume .

La VIDEO.

je me suis aussi intéressé à cette nouvelle technique qu’est la video, plus en accord avec mon époque.

Il faut savoir que la manipulation des volumes requièrt  une certaine énergie et une force physique non négligeable.Je me suis demandé comment assouvir mon besoin de créer d’une manière légère et plus en adéquation avec mon temps.J’ai trouvé que la manipulation des images en continue avec la  camera faisant office de tapis roulant correspondait à cette recherche.J’ai commencé à faire de petits films vidéo en appliquant le même mode de création qu’avec mes volumes .Je pars d’une vue à travers l’objectif sans scénario écrit ,je fais tourner la caméra en analysant au fur et à  mesure des prises de vues parfois ,cela s’arrête non pas par manque d’inspiration mais parce que s’ouvre d’autres champs d’investigations .En fait après plusieurs années de création artistique je n’ai pratiquement jamais presenté de projet. j’ai toujours voulu garder ma liberté  ,donc je propose toujours quelque chose de fini .Je dois dire que je travaille le montage en me faisant aider de professionnels qui sont attentionnés c’est à dire à mon écoute.Cela se fait d’une manière légére.J’ai produit une quinzaine de films Vidéos.

le FETICHISME

la production d’objets a comme corollaire sur la scène artistique une fétichisation du produit .

Je pense que l’aspect dérisoire des objets de consommation courante:imagerie,gadgets ,a comme conséquence d’accentuer le fétichisme.Il ne peut y avoir qu’une confusion dans l’esprit quand on se réfère d’une manière suspecte aux techniques idéalistes traditionnelles de représentation du monde.

C’est l’effet pervers d’une conceptualisation primaire et son échec .Revenons sans cesse sur cette assertion: l’art encore une fois ne se fait pas avec une idée! La provocation fait partie maintenant d’une posture artistique qui me paraît finalement académique:hélas.

Réfléchir c’est stratégique ,c’est en vue d’une explication subordonnée parfois à une démonstration .Par contre penser permet une évasion hors du champ de la réalité ; je reconnais à cette figure un corps absent .L’aspect éthéré de la pensée me séduit et dérive  loin des sentiers battus.Ce qui m’intéresse moi c’est la dérive c’est l’embarquement pour Cythère et ce n’est pas simplement dans le titre c’est l’imaginaire qui prend le pas sur la réalité?et nous arrivons à cette importante conclusion :qui est la contemplation le rêve hors norme ,la dérive et pour reprendre un terme emprunté à Heidegger le dévoilement.Si l’on nomme ,on est pratiquement obligé de répondre ; cette réponse peut devenir péremptoire, affirmative, je me laisse aller à dire qu’elle peut être autoritaire .je m’en méfie car je dois me sortir de la nasse.La contemplation c’est au contraire le doute et parfois l’extase. c’est à ce stade qu’intervient  l’ironie.

En fait l’ironie est très proche du discours et pour moi mieux encore de la conversation.

L’IRONIE

j’ai toujours été dubitatif dans ma manière de voir le monde , je l’ai été aussi dans mon comportement vis à vis du milieu   artistique ce n’est pas étranger à mon origine cauchoise  basée sur la méfiance ,cela m’amuse d’y penser  

ainsi je  dis  dans mon Film “ HARO ARTISTES“de 2007 (l’art aux artistes….)

-Pas de questions 

-Pas de réponses

– Pas d’explications.

J’ai été surpris que ces assertions suscitent  parfois une polémique et une certaine violence dûes à l’incompréhension, j’étais moi même perplexe quant à mes affirmations.

Ainsi on trouve une succession d’interrogations chez Platon avec  Socrate que ce soit dans le Gorgias ,le Ménon… 

Et je découvre , à ce propos dans le livre “l’Ironie “ de Jankélevitch cette citation qui m’a rempli de bonheur: “l ‘ironie socratique est un ironie interrogeante“.

J’assume donc que la question est pour moi agressive et empêche parfois la réponse alors qu’une interrogation  permet la conversation, l’échange, car elle implique le locuteur.

C’est dans le dialogue justement ironique que l’on trouve une certaine vérité ;bon je ne vais pas être trop débonnaire soit! une plus grande sincérité disons un échange plus vrai c’est sûr ,j’insiste .

Le fait de ne pas répondre à la question permet d’instaurer une distance .

J’ai aussi remarque que  parler avant de réfléchir pouvait être une convenance idéale. Chercher le bon mot plutôt que la réponse permet de penser au moment du dire.

Il n’y a rien de sophiste dans mon interrogation artistique ,c’est dans cette hésitation ,dans ce doute que je peux créer.

Je me souviens au temps de mes études d’avoir lu que Matisse lors d’un entretien avec une journaliste danoise ,je crois,  à Issy les  Moulineaux  a parlé des fleurs de son jardin et ce discours périphérique était un discours sur la peinture en fait .Voila encore une fois une marque onirique.Sans parler de l’oeuvre poétique de Picasso ou de Carl Andre pour ne citer qu’eux.

L’ironie est une certaine façon de s’exprimer nous dit Jankélévitch;remercions le.

Ma citation intrinsèque.

Le modele de la beauté n’ a d’intérêt que dans la continuité du projet initial, encore faut il se remémorer l’instantané de la fulgurance première.

tout est dans la redite  de la puissance créatrice ,on n’aborde pas le sujet de la création sans un risque de déperdition.

Ainsi dans le verbiage insensé d’Antonin Artaud on puise une source créatrice tellement neuve que l’on est abasourdi jusqu’à l’ ignorance.

On se défend, on appréhende le devenir de la forme on se recommande à Dieu,bref le temps est venu d’aller dans son sens,je dis bien dans le sens ;voilà ce qui perfectionne l’ire des biens pensants .Oui Antonin Artaud est un génie du sens ,c’est bien pour ça que je le fréquente depuis l’âge de 13 ans.

Qu’elle est le sens de sa pensée ?sinon la lente détérioration du charnu . L’âme reste vivante malgré la souffrance du corps .L’exemplarité de sa position outrancière force le respect j’allais malheureusement dire l’admiration: erreur quand on est dans le projet.

j’aimerai autant écrire sur Joyce et Sade,me gardant bien de les comparer.

leur souffrance n’ a  rien d ‘égal.

Les yeux pour James Joyce , l’emprisonnement pour Sade ;Antonin Artaud était un voyant emprisonné par son extrême lucidité.Je suis bien conscient que j’aborde des terrains difficiles je n’aurai jamais cru que j’y arriverai.

C’est la tranquillité de mon esprit qui me permet de l’exprimer, hélas sans aucun doute.c’est donc merveilleux.

Côme MOSTA-HEIRT 2018

Texte I

VOLTE/FACE

     La peinture est généralement reconnue au tableau : support plat (toile, mur, etc.) d’où une certaine platitude dirons nous. Néanmoins, pour moi le travail de la peinture hors du champ du tableau m’importe. J’ai donc orienté ma production vers le volume peint d’où la difficulté de mon inscription dans le cercle recommandable des peintres ou des sculpteurs.
Quant aux installations cela fait salle de bain et c’est académique. Je me suis
débarrassé de ces contingences modales pour appliquer une rigueur toute relative d’ailleurs. L’autre écueil était le monde objectal qui depuis un certain temps fait florès. Le tout dans une ambiance académisante où la sophistication devient parfois la maîtresse. Il reste à savoir que la notion d’espace me paraît être une orientation possible en tous les cas c’est ma décision depuis longtemps, le hasard a fait que j’y ai trouvé des adeptes et non des moindres aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis et sans doute dans le monde. Espace de délivrance, espace mental, espace sidéral, espace onirique, espace clinique que je prends en charge dans mon travail. Je veux
dire l’espace réel.

   Qu’est-ce? Déjà cette interrogation introduit un doute, il est évident que ce
doute est porteur de création mais comment .Cela fait sourire cette tension il y a du désir de peindre chez moi.
Je prends du mur l’espace qui m’est imparti la ressemblance n’est pas de
mise. Je compose donc la mise en scène non pas au sens théâtral du terme mais dans le dévoilement. Laissons là les termes pour l’instant et revenons sur le propos plastique. Je me souviens d’avoir commencer de petites structures à New-York en 1979 à cette époque mes interlocuteurs de n’avaient pas prêter attention à ma démarche j’ai donc repris ce travail avec bonheur depuis quelques années.
    Ainsi je coupe des tasseaux de différentes dimensions à la scie à ruban, d’une manière aléatoire en angles imprévus en quelque sorte une écriture automatique. Je les assemble de la manière la plus simple : le tout venant. Ensuite je les peins en couches successives de rouge, d’ocre de bleu, le vernis étant introduit dés la première couche, le tout tirant vers le sombre dans un désordre riche et somptueux.

    La fin étant proche, ces structures sont à cet instant à l’abandon, posées, elles sont inertes et non d’autres fonctions que la fabrication ; rien n’est dit.
J’en prend distance et commence à composer au mur au sol, en coin à l’intérieur à l’extérieur, en fin on joue on se surprend à horizontal à la verticale, c’est dans cet accrochage que l’oeuvre se crée. C’était un secret !
Ce qui en découle c’est l’ interrogation de l’espace ou mieux encore l’interrogation de la peinture sur ou dans cet espace. Du fait du volume, la densité picturale est allégée, elle est subvertit à l’espace du mur ou de la salle d’exposition en fait du lieu. Je m’aperçois qu’il peut y avoir débordement d’un mur à un autre, d’une salle à une autre; une juxtaposition une transition, une transposition
On peut considérer l’envers de l’endroit à l’intérieur même du processus.

    Les structures en elles mêmes n’ont pas de sens; c’est au moment de les accrochées ou de les posées qu’elles trouvent leur mode, j’allais dire de vie.
Je continue la mise en œuvre, peut-être de l’ordre de l’intérieur, espace clos, à l’extérieur, espace ouvert ; déontologie du regard. Rhétorique du volume peint. Je revendique le mot peinture au sens classique du terme, hors du champ du tableau.
Quant ça c’est dit notre application est de créer une nouvelle voie. J’ai
découvert, que dans le ”n’importe” se trouve une partie de la solution, ainsi
lorsque j’assemble d’une manière absolue je découvre un univers onirique qui déplace le champ de la compréhension et surtout le champ de l’explication.
    Je me suis aperçu que ces petites structures font rêver et que le lecteur ou le spectateur peut aller ou bon lui semble dans son interprétation : c’est bien là le but. La mise en peinture sur le bois introduit des zones de sensualité.
Je reviens sur la manière de peindre : le rouge posé, rouge écarlate mélangé
au vernis: première couche! Mais cela aurait pu être une couche de bleu ou d’ocre jaune sur le bois fraîchement poli, en plusieurs couches successives même en écrivant le texte je mêle, j’emmêle. Alors il reste que c’est au moment de l’accrochage que la décision dépend du maître d’oeuvre. Une quantité raisonnable de petites structures à disposition ; on dispose sur le mur ou sur le sol en ligne en cercle en triangle en tas (sur le sol) à volonté.
     Lorsque l’on change de matériau on modifie le mode d’inscription ainsi la
charge émotionnelle du marbre n’est pas la même que celle du bois coloré. Et dans la même rubrique le marbre blanc n’a pas le même impact que le marbre noir, au niveau de la lumière.Le poids aussi intervient dans la présentation. Ceci pour donner à voir les dérives de la matière subordonnée à la vision artistique et au combat que l’on doit mener contre l’effet et sa conséquence : l’illusion, hélas!

    J’essaye de me maintenir à ce niveau d’abstinence si proche de la jouissance.
Que je me fasse bien comprendre je ne me laisse pas aller quand je dis que c’est
dans le n’importe quoi que je crée, dans mon esprit si il y a esprit…
C’est que l’art ne se fait pas avec une idée, mais en se faisant se fait.
A Immanence, ce qui apparaît à la réalité c’est le blanc immaculé, bon on ne
va pas remonter jusqu’à la conception. Je vais revenir sur la transposition relevée un peu plus haut.

    La transposition est un atout dans mon travail car il permet de subvertir sans arrêt l’espace environnant : concept d’une modernité incroyable car tout
découlera de cela dans l’application raisonnée de ce que l’on peut appeler l’art plastique en regard des oeuvres de l’imagerie, des objets et des fétichismes ambiants reconnaissables par leur modes d’approches voisins de la publicité et des techniques de communications dérisoires et vite démodées.

Pour l’exposition volte/face présentée au Musée de Serignan en 2005 et à Pommery Reims en 2007.

Beaux- Arts Magazine spécial juin 2007

Texte II

POUTRE COLORÉE

    J’ai décidé de poser la couleur rouge en stries séquentielles qui se déperdait dans le bois naturel, comme une pulsion, en fait ce qui m’intéressait à l’époque c’était le rapport à l’espace que j’avais intégré en regardant les constructivistes Russes et les minimalistes Américains.

     Je n’ai pour l’instant trouvé dans mes lectures, de théoriciens ou d’historiens de l’art qui évoquent cette découverte, on se perd toujours dans le sujet alors que c’est la plastique qui devrait être le propos. Cette orientation méthodologique aura été le but de ma recherche jusqu’à l’heure actuelle. Ainsi je m’aperçois que les prémonitions intuitives que j’avais à l’époque se révèlent et mûrissent avec mes nouvelles présentations, la dernière en date sera l’exposition à “Immanence” à Paris en 2014.
On se remémore, de cette poutre de 4m sectionnée en deux morceaux, l’un de 3m, l’autre de 1m.Elle était posée au sol, elle prenait l’espace du sol comme une étendue. En tant que volume elle subvertit la notion de verticalité, (chère à nos sculpteurs traditionalistes), de socle…. Mais elle introduisait la couleur ce qui l’a ramenée dans le champ de la peinture d’où la difficulté pour la critique de l’époque de la nommer et par le fait même de m’intégrer dans une quelconque catégorie, inutile de dire en passant que le chemin fut long pour la reconnaissance de ce travail qui se situe justement entre la peinture et la sculpture.
    D’ou la nécessité de rechercher un nouveau vocabulaire loin du tableau peint, de la sculpture, de l’installation (toujours “salle de bain”) de la performance :
catégories académisantes et déprimantes.

On peut parler de volume peint dans l’espace en toute douceur et légèreté et
cela dans une continuité que l’on perçoit rétrospectivement.

Texte III

« JAMBAGES »

La connaissance ne passe pas par les jambes !
Cependant les jambages aiment…
Le Jambage du « m » introduit l’amour,
Le jambage du « n » n’introduit pas la haine.
La périphérie sémiotique, travaille la langue.
Le fantasme ne cède pas à la distraction.
La jambe n’est qu’un signe dans la langue.
La multitude crée l’espace !
La majorité appartient au jeu, le je…
Reprendre donc le jeu pour étudier l’aspect ludique de la pièce.
J’ai trouvé ces formes dans la nature des arbres et je m’y suis conformé en les
retournant comme les cornes du taureau égyptien l’énergique taureau égyptien qui
est devenu le « A » de notre alphabet.
Comme le bréchet de mon canard qui est devenu la corne du taureau dans «
tauromachérie » petit film entre les cuisses d’une femme je fais évoluer un taureau
en terre.
Je travaillais sur l’énergie aussi dans mes cuisses arboristes. Je reprends
l’anthropomorphisme et je le retourne. J’introduis donc un double sens ; un langage
muet. Cette succession de signes apporte un soutien à ma démarche. Il est curieux
que je passe d’un bréchet de canard aux fourches des arbres.

Pour le catalogue Exposition Galerie Verney-Carron (Villeurbanne2004),
à propos des « Jambages. »

Texte IV

LE LIT ROUGE

    Le lit rouge est un hommage à Delacroix La mort de Sardanapale ; tableau
qui m’a captivé quand j’avais 13 ans.
A cette époque, j’ai pris conscience de ce que pouvait être la notion de format et de
proportion pour ne pas dire dimension.
Au Havre, je regardais chez ma grande soeur bien aimée, des livres d’art
qu’elle me prêtait dans le silence d’une grande maison et j’étais fasciné par
Delacroix.
Je voyais donc les reproductions au format du livre….. Lorsque je me rendis à Paris
je me précipitai au Louvre et fut littéralement choqué par la dimension des
tableaux en particulier ce splendide Sardanapale, c’est dans cette prise de conscience que je décidai par la suite dans faire l’analyse quelques années plus tard lors de mes études d’art. La construction du tableau par les lignes de force, la couleur et son rôle dans la composition, la lumière. Etudes qui m’ont beaucoup servi et dont j’ai fait part dans de nombreuses conférences dans mes années de jeunesse……
Ce qui m’a intéressé par la suite c’est ce que j’ai arraché à ce tableau pour l’amener
dans le champ de la modernité c’est à dire la mienne,dans mon investigation.
Il est évident que toutes les découvertes que Delacroix exploitent avec génie se
passent à l’intérieur du tableau.Il faut attendre quelques années plus tard pour qu’on s’interroge sur l’espace hors des normes , avec Monet et Picasso.
Loin de moi de donner une explication qui semblerait professorale. Mon
propos est de faire prendre conscience de notions modernes que je me fait un plaisir d’appliquer dans mon art. Ce qui m’a préoccupé pour cette oeuvre que j’ai intitulé Le lit rouge, c’est la notion d’étendue. La plage de couleur dans la mort de Sardanapale n’est pas seulement un élément iconographique,symbolique et plastique, il est pour moi le lieu de la peinture (je le martèle) à l’intérieur du tableau. Bien que Delacroix soit dans le sujet, il a eu l’intuition de mettre en perspective cette force vitale.
C’est en ce sens que je me suis appliqué à créer un objet le lit rouge d’une part pour
ironiser sur l’objet vu la grandeur 6 m 2 et d’autre part pour signaler ce que j’entendais par l’étendue. J’avais en 1977 présenté une oeuvre à l’ARC, Musée d’art moderne de la ville de Paris, un plancher de bois naturel qui recouvrait des poutres de couleurs. La surface de 25m 2 évoquait la notion d’étendue, à ce propos Eric Fabre mon galeriste bien connu m’avait suggérer de couvrir d’avantage de surface dans le musée, je lui avait répondu qu’en aucun cas je cherchais l’exploit provocateur qui est pour moi en général une forme académique nouvelle à proscrire, car elle détourne l’attention du lecteur dans des zones troubles. L’art ne se faisant pas avec une idée ; ce qui m’intéressait c’était d’introduire à mon niveau “l’étendue” comme mode opératoire d’une création possible. Je m’appuyais sur les étendues de couleur de Matisse reprises avec majesté par Newman et Rothko. (c’est aussi l’année de ma rencontre avec Tony Smith en 1977 à South Orange.)
Après avoir compris que la sculpture était sortie de la verticalité avec Carl
Andre, j’avais introduit la couleur sur cette poutre colorée en 1973, car j’étais en
même temps fasciné par la couleur ce qui a rendu complexe mon travail.
La couleur non pas en aplat comme chez les constructivistes ou les minimalistes,
mais dans le rôle signifiant du geste, c’est ainsi que les montants et les piliers du lit
rouge sont marqués par ma main avec l’outillage adéquat, gouges, pinceaux.
L’étendue était le deuxième paramètre que j’introduisais dans mon travail, la couleur était subordonnée au volume.Après des efforts incessants pour essayer de
conceptualiser cette inscription, je décidai à partir de cette date de me consacrer au
rapport de la couleur avec le volume et ceci hors du champ du tableau.
A l’heure actuelle les “Structures” commencées dés 1979 à New-York dans
l’incompréhension de mon entourage professionnel et les “Jambages” qui dans leur
dimensions permettent de composer des représentations suggestives en relation avec l’espace réel et de jouer d’une manière légère avec des éléments plastiques : tel que le dessin dans l’espace.
Ce changement continuel dans la représentation aboutit à des investigations
qui se renouvellent dans le moment de sa mise en place.

Sur le « Lit Rouge » de 1982 exposée Galerie Eric Fabre, à Paris en 1983.

Paris, lundi 12 décembre 1988.

Il ne peut rien se passer sans un certain volontarisme de ma part. Aujourd’hui, j’ai eu un coup de téléphone de Cantal Dupart qui m’assure de son soutien pour mon
nouvel atelier.
Je dois maintenant écrire sur la transparence, sur l’oeuvre de Baranov-Rossiné, je
dois exister, j’ai repris ce discours abject, cette espèce d’exaspération du moi
insupportable, je dois davantage me détendre et être plein d’humour, un pèlerinage
à l’humour. JE travaille la transparence, l’utilisation du matériau a une résurgence
picturale dans mon travail comme le geste du peintre, le geste automatique, la
transparence du matériau a un effet pictural, la picturalité du volume.
A force de dire les choses sans y réfléchir, je suis arrivé à cette absurdité de cette
fameuse, trop fameuse picturalité du volume, cette volonté de parfaire cette
ambiguïté, ce paradoxe, ce texte incompatible, ce poème supérieur. L’alcool au sens
poétique du terme. Je pense un peu évidemment à Guillaume Apollinaire. Réfléchir
sur les données du paradoxe, revenir sans cesse sur la poétique, sur le verbe. La
transparence peut-elle définir simplement un emplacement, circonvenir à un lieu ou
mieux encore définir l’espace lui-même? Malheureusement, la transparence a été
associée au terme politique de la Glasnot de Gorbatchev, ça c’est un grand malheur
idéologique, car justement ce terme n’était pas lié au départ à une idéologie du fait
même de sa définition minimale liée à sa concrétisation. LA transparence dans mon
cas est concrète, c’est le paroxysme de la réalité, c’est ce qui me donne la possibilité
de mieux voir, c’est ce qui va particulariser mon regard à un avantage sur le rapport
optique de la succession de couches puisée au fond de moi-même, ce paradoxe, ce
talent encore inexploité. Les exemples ne manquent pas mais je ne ferai aucune

allusion dans mon texte définitif aux éléments référentiels artistiques, Baranov-
Rossiné, Moholy-Nagy, Larry Bell, le Grand Verre de Duchamp, Buren. L’emploi du

matériau détermine la présence du sens. Je ne cherche plus la référence, je l’ai en
moi, il est bien vrai que je cherche dans cette dualité le paradoxe de ma raison de
vivre artistique, qu’on se le dise, je ne peux retourner à une autre connaissance que
celle-ci, la réalité de la transparence, définir un lieu dans mon travail, iI est assez
évident qu’il ne faudrait pas lui opposer l’opacité comme antinomie matérielle. J’ai
besoin de répondre à toutes ces questions que pose l’emploi même du matériau, ne
pas faire l’art. On ne peut plus parler à mon égard de sculpture, je tente sans arrêt
de le faire disparaître, de la sculpture et de sa destruction. Bon débarras. J’ourdis les
sens qui me traversent, c’est au moment où j’ai réutilisé les outils classiques, la
gouge, le ciseau, l’herminette que j’ai réemployé la couleur que j’ai senti que je
faisais disparaître le terme de la sculpture, et que maintenant je suis à nu, j’ai
reconcentré mon activité sur ce sens, c’est bien ça, c’est donc au moment où j’ai
réemployé des outils classiques que j’ai subverti la sculpture et que je suis arrivé à
une radicalisation, d’où l’oubli Ne jamais écrire négativement, ne jamais dire le non,
revenir sans cesse sur cette question. OUI l’obsession est porteuse, il y a un telle
joie lorsque j’écris à brûle-pourpoint. Est-ce comme cela que s’écrit… Ah! j’écoute
Glenn Gould, est-ce que c’est comme ça que s’écrit cette foutue civilisation? La
musique. Je viens de peindre sur un bloc d’altuglas transparent, je ne l’ai pas créé,
je n’ai pas créé l’opacité, je n’ai pas créé cette opacité, je l’ai peinte. Je m’aperçois
que mon stylo convient très bien pour mon livre de comptes! iI s’est donc passé de
grandes choses au 83 boulevard Richard Lenoir! Cette incompatibilité du dessin
dans la transparence, le lieu-dit du dessin, ne sera donc pas la frange, pourrait-on

établir un questionnement de ce dérangement. Je sais qu’aujourd’hui je pense
retravailler ma forme, forme de mon corps réapprendre à pleurer, d’où douceur,
réapprendre la forme jusqu’au paroxysme, je ne savais pas que cela me rendrait si
serein, ne pas comprendre la question de la transparence reviendrait à ne pas savoir
la différence entre un glacis et une superposition de couleur, ne pas abolir cette
question hors de la picturalité reviendrait à méconnaître la question. existe-t-il
vraiment un lieu de la transparence, OUI, dans sa matérialité, le matériau importe
donc OUI, ça c’est ça la première question. Simple, pour ne pas dire simpliste. Il est
bien évident que je ne répondrai plus jamais aux questions mais j’élaborerai une
méthode de radicalisation de la question que je résous. Je vois bien ce soir que je
progresse sans cesse vers cette abolition, de cette radicalisation va naître en moi
même une beauté nouvelle, OUI je comprend bien qu’il y a naissance quelque part,
il y a préoccupation, faire disparaître la terminologie « sculpture », écrire une
nouvelle forme, reprendre la question de l’outils, mourir d’espoir ou vivre dans le
désespoir? le volume, la transparence comme picturalité ou mieux encore : la
transparence comme LIEU de la picturalité. La transparence comme ce qui va définir
un lieu, cela me paraît juste. Le naufragé de Thomas Bernhard à propos de Glenn
Gould. Il ne manque plus que le travail car je sens bien que j’ai ferré le gros poisson,
ce n’est pas fini, cela commence donc par la transparence comme lieu de la
picturalité. L’outils est le mécanisme de la subversion, la sculpture pour ne pas
tomber dans une définition de différents modes volumiques, l’installation, la
statuaire, l’environnement. Et la question de la nouvelle forme, cela va de source, il
va bien y avoir abolition du terme « sculpture », il ne restera plus qu’un terme pour la sécurité sociale, pour le statut social dont je m’exclus obligatoirement, je travaillerai donc désormais comme ornemaniste de l’espace environnant. Ah! voilà une redéfinition, aujourd’hui je sens que c’est un jour important pour mon art, je vais
reprendre chaque terme de mon propos en vue d’un article cinglant et radical.
Paris mardi 13 décembre 1988. Question : la picturalité. LA transparence comme
picturalité. LA transparence était donc un lieu, un emplacement. La transparence
était donc un emplacement qui devint un lieu pour créer un espace dans la peinture.
Jusqu’ici la transparence n’avait été créée que par la couleur posée en glacis.
Lorsque les premiers artistes ont utilisé le verre ou les plastiques, ce n’était que pour
faire jouer les matériaux ensemble. Lorsque je prends un matériau comme le verre
ou l’altuglas, je m’en sers comme élément pictural. L’épaisseur exceptionnelle du
matériau ne renvoie donc plus à un emplacement mais donne à voir et à répondre à
cette question du rapport concret réel et du lieu de sa proposition.
Paris mercredi 14 décembre 1988. Reprenons la question du rapport concret réel et
du lieu de sa proposition. Entendons-nous soit dit, le propos de la transparence sera
donc l’épaisseur. L’épaisseur va introduire une notion tout à fait nouvelle, celle du
poids de la transparence, du fait du bloc d’altuglas, ce poids sera réel et non pas
simplement une vue picturaliste ou optique mais bien un poids réel, question tout à
fait étrange, est-ce que l’art ne serait-il pas au fond qu’une succession de questions
au sens plein du terme. J’ai bien compris que je serai obligé maintenant de vivre
dans la solitude la plus complète, au milieu même de mon entourage le plus proche.
Cela va modifier énormément mon comportement. Il faut que je mène à bien mon
travail sur la transparence, c’est une question de vie. Ce texte doit être non
référentiel direct mais le fruit d’une pensée qui puiserait au sein même de la question
envisagée dans mon travail.

Acheter le Quatuor à cordes d’Elliott Carter dans le Quatuor Arditti. Au début toutes
ces oeuvres contemporaines musicales m’avaient choqué, Varèse, Satie,
Schönberg, Xenakis, Boulez, maintenant je baigne dedans, Parmegiani,
Stockhausen, Penderecki, Bério, Aperghis, Mariétan, Cage, Messiaen, d’autres
encore. J’écoute en ce moment une oeuvre d’Elliott Carter. Ah et puis le jazz. ça
c’est formidable! quel plaisir la musique. Très contemporaine.

 

J’ai dérogé